La déferlante des collections capsules

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Deferlante des collections capsules - L'Edito Magazine N°22
Deferlante des collections capsules - L'Edito Magazine N°22

Très en vogue, ces éditions limitées, fruit d’une collaboration entre une marque et un créateur, un artiste ou une célébrité, rythment depuis une quinzaine d’années le calendrier de la fashion sphère. Avenir serein ou saturation ?

Ces dernières années, l’actualité lifestyle ne jure que par les collabs, ces opérations de co-branding qui conçoivent des pièces uniques commercialisées à courte durée. Les "collections capsules" sont désormais sur toutes les lèvres, sur toutes les tables de réflexion. Si ce concept n’est pas nouveau, il a explosé au mitan des années 2000 avec H&M x Karl Lagerfeld, popularisant le mot valise "masstige", contraction de massmarket et de prestige. Le Kaiser de la mode a toujours souhaité que le luxe se démocratise et investisse la rue. Ce sera chose faite avec cette capsule, devenue historique en 2004, entre l’enseigne de la fast fashion et ce génie précurseur aux lunettes noires, qui s’est éteint en février dernier à l’âge de 86 ans. Cette carte blanche, sold out en quelques heures, fait date, provoquant des files interminables devant les magasins et même l’émeute auprès des fashionistas déterminées à dévaliser les quelques quarante-cinq pièces, éditées en peu d’exemplaires - dont la veste noire brodée de sequins reste iconique. Ce sera la première d’une longue lignée pour le géant low cost avec d’autres créateurs, comme Sonia Rykiel, Viktor & Rolf, Jimmy Choo, Stella McCartney ou encore Balmain.

Deferlante des collections capsules - L'Edito Magazine N°22
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SURPRENDRE

Prêt-à-porter, haute couture, icônes du luxe et de la mode, célébrités, artistes… tous investissent ce marché à portée de toutes les bourses, avec comme point d’ancrage, le temple de la branchitude, Colette, qui a œuvré à l’émergence de nombreuses marques avant sa fermeture en 2017. La cadence est effrénée ; susciter l’excitation et nourrir les appétits les plus voraces sont le leitmotiv des enseignes. Car pour qu’une collection capsule marque les esprits et se vende, elle doit surprendre, avec une force de frappe innovante et un pouvoir de désirabilité puissant dans sa communication virale. Une façon pour les annonceurs de développer leur savoir-faire, redéfinir leur stratégie de conquête, se renouveler, proposer des produits inédits, cultiver le sold out, séduire une clientèle plus large ou perdue de vue, et explorer de nouveaux territoires artistiques et commerciaux. Pour les couturiers, elles donnent l’opportunité au grand public de découvrir leur univers et leur style. C’est du win-win. Et tous les secteurs s’y prêtent : Dior a fait une incursion dans la tech avec Sennheiser pour des casques audio destinés aux hommes ; Hermès a réalisé des bracelets en cuir pour l’Apple Watch ; Jeff Koons a imaginé des sacs pour Louis Vuitton, en reproduisant des chefs-d’oeuvre de Leonard de Vinci, de Rubens ou de Van Gogh. Parmi les collabs historiques se hisse Louis Vuitton x Supreme, suivi par Vetements qui pousse le concept à son paroxysme avec dix-huit partenariats, dont un avec le transporteur DHL. Si certaines associations sont déroutantes, voire déconcertantes, les capsules révèlent un désir profond de singularisation.

L’OVERDOSE ?

Deferlante des collections capsules - L'Edito Magazine N°22
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L’idée est donc de concevoir une esthétique créative nouvelle, mais force est de constater que ces éditions limitées submergent la fashion sphère à l’ère des réseaux sociaux. Aujourd’hui, tout est capsule, pour de bonnes et de mauvaises raisons, comme un passage obligé pour glaner une clientèle de millennials, avide de shopper des pièces haut de gamme à des prix accessibles. Car au-delà de l’impact sur le chiffre d’affaires, souvent infime, il s’agit d’image et de visibilité. Est-on arrivé à saturation ? La crainte des enseignes est de lasser, de se cannibaliser, de perdre en crédibilité. H&M x Margiela fut un échec commercial, dû à un trop grand nombre de modèles fabriqués, à son style trop avant-gardiste et aux prix trop élevés qui ont entraîné des invendus. L’autre faille du masstige est de fabriquer de mauvaises copies d’anciens modèles de défilés ; le compte Instagram Diet Prada dénonce avec ironie les multi-visages de ces perfides copycats. Car pour beaucoup, ces collabs chic & cheap, n’en restent pas moins des offres maquillées en produits d’exception. Malgré tout, la machine mercantile fonctionne et brave la crise, surfant sur les codes du luxe. Jouer sur la rareté pour stimuler la demande reste toujours le maître-mot. Les stars du cinéma, de la musique, de l’art ou du sport, l’ont aussi bien compris, invitées à s’associer à ces opérations pour imaginer des lignes exclusives à leur effigie. Un moyen pour les marques de drainer du trafic dans les boutiques physiques, pour les célébrités d’élargir leur champ des possibles et pour les fans de s’identifier à leurs idoles. Les exemples sont pléthoriques : Rihanna pour Chopard, Kanye West pour Louis Vuitton, Pete Doherty pour The Kooples, Pharrell Williams pour Chanel et Adidas… Récemment, H&M a encore ouvert une brèche, en s’acoquinant avec le géant du streaming Netflix, à l’occasion de la saison 3 de Stranger Things, diffusée en juillet, pour des pièces vintage légères qui fleurent bon l’été et les vacances. L’art des collections capsules, dans ce qu’il a d’innovant, d’éphémère et d’attractif, promet un avenir encore bien serein.

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